S’investissant bien sûr dans le monde de la musique, mais aussi dans ceux de la mode ou du design, le groupe Capsule continue d’interpeler la scène de ses nouveautés. Début de la diffusion CD le 21 février de leur nouvel album « Sugarless Girl ». Neuf mois après le radical changement vers son plus « Club » qu’a constitué leur précédente œuvre « Fruits Clipper », l’interview de Nakata Yasutaka, de Capsule, qui officie aussi bien qu’en tant que producteur qu’auteur, au sujet de ce nouvel album, encore plus puissant, encore plus séduisant.
Votre nouvel album semble être allé encore plus loin dans le son Club débuté dans l’album précédent. Se situe-t-il donc dans la lignée et la poursuite de celui-ci, ou a-t-il pour origine un nouveau concept ?
Je n’ai pas songé, autant qu’avec « Fruits clipper », savourer le changement. Déjà avant cet album, je concevais, à titre expérimental, des musiques un peu electro, et pendant que je fais le DJ avec ce genre de musique, je m’amusais à les passer en les mêlant à des morceaux étrangers. A vrai dire, c’est parce que je n’étais pas sûr que ce type de musique serait bien accueillie par le public. Mais au fur et à mesure que je les passais (en écoutant les réactions de la piste), il y a eu un moment où j’ai ressenti comme une « envie d’aller plus loin ». « Fruits Clipper » est le résultat de cette envie assouvie d’un seul coup.Cependant, ce type de musique est aujourd’hui devenue plus habituelle, « Sugarless Girl » me donne l’impression d’être dans l’évolution naturelle.
Les réactions favorables des « clubbers » ou des boites de nuits, le fait que ce genre de musique est appréciée dans ce genre d’endroits est-il un paramètre important de votre création musicale ?
Disons que, plutôt que des commentaires tels que « humm, c’est de la bonne musique » qui vous procure un plaisir intérieur, il semble que les gens apprécient plus lorsque je suis offensif, comme si j’avais envie de « tirer au machine-gun de la cabine du DJ »…
Cela rejoint peut-être cette image de tirer à la mitraillette de la cabine DJ, mais j’ai eu le sentiment cette fois-ci que ce n’est pas un son flagorneur…
Comment faire pour que tous pensent du bien de ce que moi j’ai envie de faire ? C’est en fait tout ce que je fais. Ce n’est guère intéressant si je fais dans le marketing en fabriquant ce que le public veut entendre, d’ailleurs le monde est plein de ce genre de musique. Je préfère faire ce que j’ai envie de faire, et que par la suite, on me dise éventuellement que cela plait. Fabriquer un son qui « a priori devrait plaire » est une démarche trop mercantile. J’aimerais penser que ce n’est pas là la vraie musique qui peut plaire aux gens qui l’écoutent. Bon évidemment, c’est un peu idéaliste…(rires).
Cette fois-ci, avec des aspects House/Electro et Disco/punk, il y a aussi pas mal d’aspects de la musique des années 80. Y a-t-il une raison particulière à cela ?
Je pense que la musique est faite de vagues. Par exemple, il y a des moments où est en vogue une musique privilégiant une ambiance un peu compliquée, ou alors très technique, ou alors où l’on apprécie la virtuosité d’exécution, etc… Je crois qu’actuellement on apprécie plus une musique plus « solide » ; c’est un son « qui ne semble pas compliqué mais qui n’est pourtant pas facile à produire » qui est intéressant. Et non pas que la musique soit structurée de telle ou telle manière, mais l’élégance du son qui jaillit…en d’autres termes, je pense que ce n’est pas, dans leur tempérament, le fort des gens qui au Japon, jouent de la musique très « appuyée », de parvenir à traduire l’élégante ambiance de la musique elle-même. Si l’on pense ainsi, prendre le meilleur de ce qu’on pourrait appeler le « edge » des années 80, et l’exprimer avec la sensibilité actuelle, dans l’air du moment, voilà qui est difficile et donc passionnant. C’est précisément cela que j’essaie de faire.
Ne pas ressentir ce coté « en plein bonheur » qui primait souvent dans les années 80 est inversement très actuel me semble-t-il…
Ce n’est pas que j’aime particulièrement cette musique des années 80, et de toutes façons cela n’aurait pas d’intérêt de refaire la même chose. Mais si l’on pense à ce que c’est époque avait comme particularités…on dit d’ailleurs d’un mot les années 80 mais je pense qu’il y a bien des styles différents. Ceci dit il y a aussi des clichés qu’on a à l’intérieur de soi, c’est le début de l’ère du digital, l’époque des matières plastiques, des formes très pointues…Dans le même esprit, du point de vue musical, il y a le 8 beat, plein de synthés, disons que j’ai imaginé ce que seraient ces sons à l’époque actuelle. Sachant qu’entre cette époque et maintenant, ni les lieux où l’on passe de la musique, ni son utilisation ne sont les mêmes...
Dans cet album, il n’y a peu de paroles. Pourquoi ?
D’abord, je ne comprends pas bien la signification de la présence des paroles (rires). Dans un single CD qui inclus un karaoké, là je comprends. Mais moi je n’écris pas mes chansons en considérant qu’elles seront reprises en karaoké. En plus, quand il y a des paroles, vous écoutez la musique en lisant n’est-ce pas ? Ca c’est quelque chose que je n’aime pas. De plus (dans les musiques de Capsule) je ne pense pas qu’il y ait des choses à écouter en lisant, moi j’aimerais que, même quand on l’écoute dans sa chambre, on ait envie de bouger dans tous les sens.Moi aussi quand je compose et que la tension monte, je me mets souvent à danser ! Où à faire des poses de victoires ! (rires)
Pourtant, M. Nakata, vous écrivez vous-mêmes vos paroles n’est-ce pas ?
Vous savez c’est important les paroles. La chanson est une sorte d’instrument, et il y a un rythme dans les mots. En changeant les mots, la mélodie elle-même change, n’est-ce pas ? L’important n’est pas du tout seulement ce que ces paroles racontent…il y a leur rythme, leur tempo, le fait que leur sonorité est agréable à entendre…c’est à tous ces titres qu’elles sont importantes, je pense. Mais tout ceci n’a aucun rapport avec le fait de mettre des paroles sur l’album.
Pourquoi avez-vous choisi le titre « Sugarless GIRL » comme titre de l’album ?
Tout simplement parce que ce titre me plaisait !
Et vous auriez un message à exprimer quant au lieu ou la façon que vous souhaiteriez pour écouter cet album ?
Non, je n’ai pas de « il faut l’écouter ainsi », j’aimerais qu’il soit écouté dans des conditions différentes, qu’on l’écoute dans un lieu calme, qu’on l’écoute dans un lieu bruyant, comme je l’ai écris en intégrant même le fait que les bruits de la ville peuvent devenir une composante de ce qu’on écoute, je pense qu’il serait toujours sympa d’aller l’écouter dans pleins d’endroits en l’emportant en voiture ou sur un lecteur portable…
Interview : Kôichi FUJIMOTO
Traduction française